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[CR CONCERT] The Body + Fange à L'Olympic Café, Paris (22/04/2018)


Il y a des jours comme ça où l'on ressent le besoin irrépressible de se déboucher les oreilles. L'annonce de Fange, groupe originaire de Rennes inaudible à tous points de vues a permis d'assouvir mon envie du moment. Et parce qu'une bonne nouvelle ne s'annonce jamais seule, il y avait également les mecs de The Body au programme. Un peu rude me diriez-vous ? Non, jamais trop.


Partie I : Fange

Qui pourrait être aussi fou pour avoir envie de se faire traîner dans la boue ? Les tympans en surrégime, la tête prête à exploser, des maux de ventre qui ne semblent jamais prendre fin. C'est un peu ce que m'évoque l'écoute d'un album et l'univers du groupe. Pourrissoir, sorti en 2017, assez frais et sec, s'entasse admirablement bien au fond de vos canaux auditifs pour ne plus jamais en ressortir. Si vous ressentez un certain malaise général comme de l'anxiété, des troubles digestifs et un bourdonnement continu c'est tout à fait normal, rassurez-vous, on est en plein dans la démarche de Fange. J'ai eu l'occasion de dire du bien de cet album il y a peu. C'est un univers au son particulier, du sludge, quoi. Il faisait suite à Purge (2016), un album qui annonçait déjà la couleur sur la tonalité acoustique des bonhommes. Ce sera un véritable calvaire, et ça tombe bien, on était quand même là pour ça ce soir à l'Olympic Café. Je trépignais d'impatience, avec la conviction que j'allais certainement avoir la chance d'assister à quelque chose de pas banal. Sur le CD ça sonne terriblement malsain, mais qu'en sera-t-il en concert ?

Peu avant 20h00, un public clairsemé se risque à descendre dans le sous-sol, je suis moi-même si déboussolée à l'idée que je me trompe d'escalier. Notre godet à la main, un rapide coup d'œil au merch'. Point de girlie, et pourtant les t-shirts sont chouettes. Je crois apercevoir certains membres, dont un type qui arbore un mini-short de sport noir et un t-shirt moulant blanc. Il fait certes une chaleur à crever dehors et la température ne s'annonce pas fraîche dans la salle, mais est-ce bien nécessaire ? L'expérience acoustique et visuelle nous apprendra que le gugus avait vu juste et que sa tenue était on ne peut plus appropriée, mais nous en sommes pas encore là. Je suis encore en train de bercer tous mes espoirs sur une prestation qui s'annonce mythique et malsaine. Mon dernier concert étant trop guilleret, il est bon de temps en temps de remettre les pendules à l'heure. Le groupe Fange est composé d'un quintet, un classique guitare basse batterie chant et un bonhommes aux commandes d'un plateau de boutons qu'il appuie et tourne à loisir. Le batteur a un set minimaliste, on devine alors que son attirail n'est pas tant fait pour une démonstration qualitative au niveau de la rythmique mais pour produire un bruit qui fait mal et qui tape fort, très fort. Une fois le groupe en place, le chanteur, dos à la foule, prend place dans une partie de la fosse. Initié par des cris gutturaux désespérés, tous les instruments entonnent alors le premier morceau dans un mélange de bruits pour le moins assourdissant. L'expérience Fange venait alors enfin de commencer pour le plus grand plaisir des amateurs du genre.

Nous étions prévenus, nous n'allions pas sortir indemne de ce bourbier sonore. Le chanteur charismatique qui tournera le dos au public pendant quasiment tout le long de la prestation nous emmène dans son univers baigné d'une extrême violence. Épris d'une agitation sans pareille, qui à mon grand étonnement détonne avec la passivité du public qui ne bougera pas d'un poil, tout juste pour mollement agiter les cervicales. Difficile à croire que toute l'énergie que le groupe émane via son chanteur ne fasse pas écho dans le public. Je suis déçue, pourtant, passé le brouhaha sonore. Au fur et à mesure du set le son s'avère de meilleure qualité. Les graves étant peu à peu diminués et permettent alors aux riffs aigus plaintifs de se propager dans la salle. C'est bon, c'est à la fois structuré et déstructuré. Même en ayant écouté leurs albums ça me surprend toujours. Les changements de rythmes vous prennent en pleine gueule comme une bonne baffe que vous n'auriez même pas mérité. La magie acoustique de Fange opère parfaitement pour ma part, je suis conquise. Bien contente de n'avoir pas oublié mes précieux bouchons, je savoure tout en prenant soin de ce qui reste de mon audition. On sent pourtant que ça bourdonne pas mal. Le chanteur toujours aussi fou furieux s'agite dans tous les sens, on le retrouve même étalé sur le sol, j'ignore si c'est une chute ou bien volontaire, mais le moins que l'on puisse dire c'est qu'il donne clairement de sa personne. Les riffs ravageurs et cette batterie d'une extrême violence vous prennent les tripes. Le batteur tape comme un furieux, on peut même l'apercevoir se lever pour cogner encore plus violemment sur ces cymbales. On se demande alors si sa pauvre batterie tiendra le choc jusqu'à la fin de la prestation.

La température a clairement augmenté de plusieurs degrés. La bière qu'on s'était enquillé par prévention ne produit plus son effet désaltérant. On sent notre bouche s'assécher et un profond malaise nous envahir, est-ce bien seulement juste la chaleur ou l'ambiance générale ? Le chanteur s'est également résolu à enlever son t-shirt et ne cesse pourtant pas de courir dans tous les sens, cherchant alors à capter des regards pour leur conter toute sa fureur et nous mettre mal à l'aise. Je fais bien gaffe à ne pas croiser le sien, c'est une expérience sonore déjà suffisamment déroutante à mon goût.

Après 30 minutes d'une extrême noirceur et d'une lourdeur incomparable, le groupe tire enfin sa révérence. On devine que le chanteur a suffisamment transpiré et qu'ils estiment que le public a eu son compte. J'ai le sentiment d'avoir vécu un chouette moment mais trop court. J'aurais tant aimé que ça continue davantage, mais force est de constater que l'on devra se contenter de cela. Les albums du groupe sont après tout assez courts également. Néanmoins on ne pourra pas dire qu'ils auront été avare au niveau de leur prestation scénique. C'est clair que ce n'est pas banal comme expérience. Ils ont été à la hauteur de ce que j'attendais d'eux. On verra alors le chanteur quitter rapidement le backstage, ressortir avec une serviette et se diriger vers le merch' pour accueillir les fans tout en se désaltérant abondamment. Comme quoi, après tant de haine, nous pouvons constater que ça reste un humain tout ce qu'il y a de plus sympathique.


Partie II : The Body

Lourde semblait la tâche à The Body d'enchaîner après une telle prestation. En tout cas pour ma part j'étais rincée. Le public était toutefois venu en nombre pour la performance de ce groupe que je ne connaissais absolument pas avant ce jour-là. The Body est un groupe américain qui officie dans le sluge/doom/experimental/noise/indus depuis 2004. On connaît bien la capacité de ce pays a produire à la fois ce qu'il y a de plus raffiné et de plus bourrin. The Body c'est un duo qui fait plutôt dans le gras et le son qui fait "vroum". Le groupe compte 5 albums, le plus récents étant No one Deserve Happiness (2016) et dont le dernier I Have Fought Against It, But I Can't Any Longer devrait pointer le bout de son nom nez d'ici mai. Il annonce ainsi la couleur et reste dans la continuité au niveau de l'optimisme débordant dont semble affectionner le groupe. J'ai cru apercevoir que beaucoup de monde les attendait et que le set allait peut-être être aux sonorités de ce dernier. Je n'en sais fichtrement rien, les experts me le diront (ou pas).

Nous n'avons néanmoins pas pu ressentir une baisse de température flagrante. La foule commence gentiment à se compacter dans la salle, on peine à respirer, trouver un rayon de lumière. J'ai compris que c'était un duo et je n'essaye même pas de me rapprocher pour voir quelque chose sur scène, je suis claquée et je suis là pour la musique, pas leur trogne. Le set commence à 21h pétantes. Niveau vroumeries on a notre compte. La boîte à rythme fait le job ainsi que la guitare quelques cris perçants qui me surprennent par rapport au chant rauque de Fange. Ça a un côté un peu HxC désespéré, mais niveau orchestration on reste dans le lourd (faut pas déconner non plus !). Les morceaux sont très courts et s'enchaînent avec une vitesse hallucinante (oui, bah pour le coup pour le côté HxC on retrouve tout à fait ça). Je trouve la sonorité sympa, mais nettement moins surprenante et "mélodique" (si je puis me permettre d'employer ce terme) que pour Fange. Peu d'aigus, et pas mal de "vroum vroum vroum", comme on l'aura deviné. De plus, la passivité du public est encore plus pesante que pour Fange. Je peine à entrer dans le délire. Pourtant ce n'est pas faute d'essayer, accompagnée de mon inconnu acolyte au somptueux t-shirt Eyehategod qui est un des rares à battre la mesure comme moi. J'ai quand même énormément de mal avec le délire programmation rythmique, ça manque de chaleur et d'imprévisibilité, mais ça reste purement personnel.

Le set s'est enchaîné dans une ambiance assez impersonnelle. Quelques acclamations mais rien de bien flamboyant. Le public est dans un délire introspectif que eux seuls comprennent. Le groupe est plombé par des soucis techniques relatifs à leurs bandes sonores. Cela fait partie des rares moments où l'on entend le public se manifester pour rigoler (j'ignore si cela a fait aussi marrer le duo). En attendant la température a continué d'augmenter, la foule se compacte, mes lombaires se font sentir, trop de passivité tue la passivité. Tout ceci manque cruellement de pogos enflammés et de circle pits. Mais puisqu'ils n'y en aura jamais il faudra alors se contenter de ce que le groupe veut bien nous offrir.

Comme pour Fange, après 30 minutes de set tout est fini, ainsi à nouveau baigné dans la lumière d'une scène vidée de ses occupants. Le public s'agite mollement vers le merch' ou la sortie. Je croise une demoiselle qui me demande si le concert est bien terminé où s'il y aura un autre groupe. Je lui dis que le concert est bien terminé, elle écarquille les yeux : "Quoi ? Mais il n'est que 21h30 ?". Effectivement c'est un peu frustrant mais c'est ainsi. Ceux qui sont arrivés à la bourre auront un goût amer dans la bouche, le prix de la place semble un rien prohibitif pour la durée du concert. Il faudra se contenter de ça, hélas.



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