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[CR CONCERT] Wardruna + Dayazell à la Cigale, Paris (14/10/2017)


Wardruna était de retour à l'occasion d'une tournée automnale exceptionnelle, choisissant ce coup-ci une salle parisienne plus emblématique La Cigale, plus jolie, mieux foutue, mais surtout avec une plus grande capacité. Bien entendu, les places se sont volatilisées à une vitesse hallucinante. Ce groupe est passé d'une réputation intimiste pour "metalleux sensibles" à l'incontournable pour un plus grand panel d'amateurs (mais avec une nette majorité de metalleux). Ainsi, avoir son précieux sésame pour un concert de Wardruna est donc devenu un privilège dont on se séparerait pour rien au monde. Un peu extrême me diriez-vous ? Si peu, si peu...


Partie I : Dayazell

Dayazell est un groupe français originaire de Toulouse. Dans un registre folk également, Dayazell emprunte son répertoire à une large influence de musiques du monde au sens large, avec une prédominance pour les sonorités orientales. Ils officient dans ce genre depuis 2009 et leur dernier album Nizhâm date de 2016. Pour ceux qui avaient déjà été voir Wardruna au Trabendo, ils sauront que ce groupe-là avait déjà fait leur première partie. À l'époque j'avais passé plus de temps à essayer de trouver un emplacement dans la fosse qui me permette d'apercevoir ce qu'il y avait sur scène. Cet acharnement était vain, puisque celle salle a la particularité d'être terriblement mal foutue, de sorte qu'on voit mieux ce qui s'y passe en retrait que devant. J'ai fini par le comprendre bien trop tard, et de ce fait, la prestation du groupe m'était passée un peu en travers. Ce soir-là était donc une séance de rattrapage pour vraiment connaître leur qualité scénique. 

Ils sont entrés humblement sur scène avec leurs nombreux instruments traditionnels, tentant ainsi de nous faire entrer dans leur univers et de nous initier à une musique n'a rien à voir avec les runes de Wardruna. J'ai beaucoup aimé le mélange des styles, les percutions, ces instruments dont je ne saurais nommer, la chanteuse vêtue d'une longue robe rouge a une voix vraiment superbe. Elle semblait tout à fait à l'aise dans cette grande salle. On dit que Dayazell produit une musique envoûtante, j'aurais plutôt tendance à dire que c'est la chanteuse semble envoûtée par sa prestation ses mains faisant aussi corps avec les variations de son timbre de voix. 

Porté par un éclairage plutôt intimiste, mettant ainsi en valeur les membres des groupes par des halos lumineux, la musique de Dayazell qui a nous été ainsi contée ce soir-là était une mise en bouche parfaite à une ambiance folk, traditionnelle, issue d'un temps à la fois très éloigné, mais proche à la fois. Je vous explique, du point de vue des costumes, Dayazell semble être sorti d'une époque reculée, les instruments aussi, mais leur musique semble intemporelle. Bref, le folk n'a jamais été aussi populaire qu'aujourd'hui. Ils me font un peu penser à Gjallarhorn qui mélange la musique traditionnelle nordique, balte et slave, Dayazell quant à eux, officient dans l'orient. Pour ma part c'était vraiment une découverte bluffante et j'ai vraiment apprécié leur prestation. Ce choix de première partie s’avérait donc terriblement judicieux.



Partie II : Wardruna 

"Excusez-moi, mais, pour quel groupe vous attendez tous comme ça ?
- Wardruna.
- Wardru-quoi ?
- Wardruna.
- Ah ok. Je ne connais pas. Et c'est quoi comme genre de metal ?
- C'est pas du metal."

Wardruna, effectivement, ce n'est pas du metal. N'empêche que, ça a beaucoup de succès chez les fans de musiques extrêmes. Ce projet est issu de la tête d'un bonhomme, Einar Selvik ou Kvitrafn, vous savez ce type qui était batteur dans Gorgoroth qui avait une longue chevelure blonde et un corpse paint vachement cool ? Avant d'en arriver à Wardruna comme on le connait aujourd'hui, avec ces cœurs d'enfants et cet esprit viking-bisounours accessible à tous, Einar s'était bien essayé un autre projet d'ambiant bizarre, Jotunspor. Alors oui, ce projet a bien des défauts, mais là-dedans on y trouve déjà la crise mystique et musicale du type. Retrouver l'esprit des runes et toute une musique folklorique inspirée de ses ancêtres les vikings. Un premier album a émergé en 2009 Runaljod - Gap var Ginnunga. Loin des chants de petits n'enfants, c'était un projet d'ambient nettement plus axé sur un truc plus expérimental, avec des percutions et des sons étranges qui aurait très bien pu faire la BO du film Valhalla Rising, mais non. Bref, à l'époque c'était un projet qu'on se passait sous le manteau en mode "Prends-en, c'est de la bonne !". Après il y a eu le second album, Runaljod - Yggdrasil (2013). Les chants de Lindy Fay Hella étant plus proéminents et l'orchestration moins expérimentale, cet album était clairement plus accessible au tout venant. Néanmoins, ils sont passés à l'époque au Divan du Monde, je ne suis même pas sûre que c'était complet. Je me rappelle m'être retrouvée dans le public au milieu d'un groupe de Norvégiennes qui chantaient en cœur avec la musique. C'était assez dépaysant et plaisant.

Puis en 2016 est arrivé Runaljod - Ragnarok. Du point de vue la notoriété du groupe c'était effectivement également le Ragnarok. L'annonce du concert au Trabendo a déclenché une hystérie collective monstre. Les places s'arrachant comme des petits pains, les metalleux étant obligés de faire la queue au Rock'n'roll Voltage pour obtenir leur précieux. Du grand n'importe quoi ? Je ne sais pas trop. J'ai entendu dire qu'ils avaient fait la BO de la série on ne peut plus médiatisée Vikings. Bref, tout le monde est devenu fou. Ça déclenché une grande animosité entre les "trves" et les "non-trves". On a commencé à faire une ségrégation sur le public, entre ceux qui étaient dit-on "dignes" d'y aller et ceux qui ne l'étaient pas parce qu'ils ont commis l'affront de ne pas connaître Wardruna à ses débuts. Je n'entrerai pas dedans, car je pense qu'il n'a pas de raison d'être, si ce n'est qu'il est vrai qu'un metalleux a un peu mal à son petit cœur quand il apprend que son groupe adoré est devenu mainstream. Force est de constater que si certains avaient des doutes sur la qualité du groupe, il faut reconnaître que cet album envoie du lourd. Il ravit le cœur des metalleux sensibles qui souhaitent un peu de douceur et en même temps,  ouvre une porte aux non-initiés à la musique ambient/folk. Il a tout pour plaire, une orchestration variée, de la musique pêchue/non pêchue et puis surtout des ENFANTS. Ah oui, alors là si vous voulez faire pleurer votre grand-mère, rien de tel qu'un morceau de Wardruna avec des enfants qui chantent. J'admets avoir été horrifiée à la première écoute. Passé le traumatisme, je me suis rendue compte que ce mec était un génie et qu'on est effectivement tous des lopes à jus qui adorons entendre des gentils petits bambins blondinets chantonner en norvégien (notez qu'en français, j'aurais jamais toléré ça plus de 10 secondes). Ah oui, il y a quelque chose qui nous touche tous. C'est universel, c'est le sens de la vie tout ça tout ça. Si je ne dis pas de conneries, en 2016 est sorti aussi le superbe projet en compagnie de Ivar Bjørnson (Enslaved) de  black metal metal/neofolk Skuggsjá, où comment le gouvernement norvégien finance de la musique cool à l'occasion des 200 ans de la constitution norvégienne (c'est la Norvège quoi, c'est pas ici que ça se produirait) J'ai bien aimé et ça m'a conforté dans l'idée que ce pays présentait en bien des aspects un gros potentiel musical et d'innovation perpétuelle.

Je reprends mes esprits. Donc, Wardruna. Après leur passage au Trabendo, émus au larmes, ils nous ont promis de revenir très vite pour satisfaire ceux qui n'avaient pas pu venir. L'annonce de ce concert a encore une fois suscité des émois. On ne parlait plus que de ça, on se disait "Hey psss, t'as ta place pour Wardruna ?" Comme si on avait peur de se retrouver au beau milieu d'une foule d'inconnus. On avait besoin de retrouver nos repères. La Cigale est une grande salle, certes, mais encore à échelle humaine fort heureusement. Ça fait bizarre de devoir faire la queue dehors comme des groupies. D'autant qu'une fois arrivé dans la fosse, on se rend compte que tout est normal, on reconnait bien les t-shirts d'untel et de truc, un mec costumé en viking, un autre en pirate qu'on a déjà croisé à tel concert de black metal ou aux festivités médiévales de Provins ou Pontoise, et que finalement tout est normal, ou presque.

La scène avec son mur végétal met bien en valeur le groupe. On se rend compte que c'est adapté, à l'image de ce qu'on peut voir dans leurs concerts en Scandinavie. Leurs silhouettes se reflétant sur le mur, bref il y a quelque chose de grandiose et épique. À la hauteur de la dimension du groupe. Non, ça ne m'a pas choqué, j'ai trépigné d'impatience comme tout le monde, et dès les premières mesures de "Tyr" avec leurs grands instruments en cuivre, j'ai trouvé que ça avait quand même de la gueule. Ils nous on fait une prestation au poil. Changeant de décor pour chaque titre, j'ai noté que les titres de l'album Runaljod -Yggdrasill étaient sur un fond végétal vert, celui Ragnarok rouge, et Ginnunga blanc voire rien du tout. Bref, chaque titre étant imprégné dans une ambiance particulière. De ce fait, les titres des trois albums passent magnifiquement bien ensemble. J'ai été charmée, envoûtée. Est-ce que j'ai pleuré ? Bon, j'avoue, j'ai eu une petite pointe d'émotion au moment de "Raido", parce que je l'aime beaucoup, mais pleurer quand même pas. Avec une prédominance pour les titres des deux derniers albums, plus "accessibles" en live. Bien sûr, ils ont pas pu s'empêcher de jouer "Wunjo" et "Odal" (les enfants voyez-vous, on en revient toujours à parler d'enfants !).

Le maître Einar Kvitrafn Selvik a conclu avec un titre tant attendu "Helvegen". Les gens se sont déjà emballés précédemment sur "Fehu" mais c'est encore et toujours "Helvegen" qui met tout le monde d'accord. Il nous a parlé avec son accent trop choupinou comme quoi qu'en Scandinavie ils avaient des chansons pour tout (c'est pas faux, ils chantent vraiment pour un rien) et que donc, cette chanson est probablement celle avec laquelle n'importe quel fan trve amateur voudrait bien être enterré. Petit bémol, une partie du public a commencé à applaudir avant la dernière partie chantée a capella, c'est dommage, ça a fait un coïtus interruptus dans mon cœur de fan, et c'est à se demander s'ils ont vraiment écouté jusqu'à la fin l'album.

Mais parce qu'une fin n'en est pas vraiment une. Ému, ach Paris ! C'est tellement d'émotion, il envoie tout son groupe en backstage pour se laisser un petit moment privilégié avec son instrument à cordes et lui. Il nous chante une chanson en solo sur l'histoire de Ragnarr Loðbrók. Ce coup-ci tout le monde se tait vraiment pour apprécier ce moment de poésie chantée, sans le coin du feu, mais on s'y serait cru pour de vrai. Après ça il part pour de bon, et nous, tout émoustillés qu'on est, on prend le temps d'attendre que la foule amassée s'éclipse pour pouvoir regagner nos pénates.

Moralité, oui, Wardruna à La Cigale ça a de la gueule. J'ai vraiment aimé le cadre de cette salle mythique, moins les gens qui pensent que leurs photos/vidéos ont plus de valeur que celles prises par des photographes professionnels. C'est une fâcheuse manie qui a tendance à m'irriter un brin dans les concerts pas trop agités. Abstraction faite de ce détail. Le public varié reste tout à fait supportable et je retournerai volontiers les revoir pour une quatrième fois et bien plus encore.

Setlist :

01 - Tyr
02 - Wunjo
03 - Bjarkan
04 - Heimta Thurs
05 - Runaljod
06 - Raido
07 - Isa
08 - Jara
09 - Algir - Stien Klarnar
10 - Dagr
11 - Rotlaust Tre Fell
12 - Fehu
13 - NaudiR
14 - Odal
15 - Helvegen

Rappel :

16 - Snake Pit Poetry





Site officiel : www.wardruna.com/

Skuggsjá




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