Et quand y'en a plus y'en re n'a ! Décembre est traditionnellement un mois prolifique en concerts. On ne peut pas assister à tous, mais là, un jeudi, deux groupes islandais, je ne pouvais décemment pas passer à côté d'une telle affiche. Dans une ambiance aussi givrée, Sinmara et Almyrkvi accompagnaient une tête d'affiche on ne peut plus brumeuse et énigmatique, les Canadiens de Sortilegia et un groupe de black metal allemand I I. Après un rapide sondage dans le public, j'ai cru comprendre que c'était surtout les Islandais qui nous motivaient à sortir de nos terriers respectifs. Joie, bonheur, et obscurité brumeuse donc !
Partie I : I I
Le nom du groupe est trompeur, on peut croire que ces deux "I" veulent dire "Deux" ou "Zwei" en allemand, mais en fait non, I I (mettez bien un espace entre les deux) ce sont les initiales d'« Infernal Invocation ». Un programme bien satanique me diriez-vous. Bon jusque là, rien d'anormal pour du black metal. Ce groupe existe depuis 2010, ils sont originaires de Leipzig et leur discographie se résume à un E.P. Omnivorous Void qui date de 2014 et un Split plus récent Miasmal Coronation (2017) avec un autre groupe de black/death metal de Leipzig Lihhamon. En dehors du fait qu'ils jouent du black/death, on ne sait pas grand chose d'eux, leur prestation au Glazart s'avérait donc être une bonne occasion pour mettre en lumière leurs capacités acoustiques dans le genre.
Ils sont arrivés sur scène un poil à la bourre et grimés de corpse paint. Le chanteur portait une capuche assez mignonne et une veste en cuir arborant deux os formant le fameux I I du groupe (pas mal le rappel, n'est-ce pas ?). Pas de bonjour ni rien pour nous préparer, juste des riffs saturés et du son bien lourd. J'ai trouvé le batteur un peu mou (non je déconne !). Toute l'influence death me laissant un peu de marbre, j'avoue que je n'y entendais pas grand chose niveau variété. La première partie du set ne m'a pas spécialement marqué, mais c'est quand ils se lançaient dans des influences majoritairement black que j'ai nettement plus accroché au délire. Ils n'avaient pas un son super transcendant, le leader avait une allure un peu méchant destroy un peu taakienne, mais ne débordait pas spécialement d'une grande originalité. Enfin, on ne va pas chipoter, pour une première partie c'était tout à fait correct et je n'ai pas eu envie de partir en courant, ce qui est quand même plutôt positif. Ça a duré en gros une demi-heure, puis ils sont partis comme ils sont venus, pas vraiment chaleureux, mais ce n'est pas vraiment ce qu'on attendait d'eux. L'occasion de remplir nos godets de bière pour s'attaquer à la suite.
Partie II : Almyrkvi
Comme son nom le laisse supposer, Almyrkvi (ce n'est pas si difficile à prononcer que ça en a l'air, il suffit juste de dire toutes les lettres) est un groupe islandais originaire de Reykjavík. La particularité de ce groupe, est que les deux membres fondateurs font également partie de Sinmara. Enfin jusque là rien d'anormal, puisque comme dit précédemment, l'Islande a en gros une dizaine de groupe de black metal où tous les membres sont interconnectés. Ils carburent tous plus ou moins à du black atmosphérique assez planant, mais c'est pas pour autant que ce sont des clones. C'est probablement ça le plus étonnant. Comme j'en parlais à quelqu'un, depuis ces dernières années tout le monde découvre le black metal islandais (les groupes sont assez jeunes mais prolifiques) et force est de constater que je n'en ai pas encore entendu un que je trouve insignifiant. Almyrkvi existe depuis depuis 2013 et a sorti un E.P. Pupil of the Searing Maelstrom (2016) ainsi qu'un album tout frais de cette année Umbra. En CD ça a un rendu sympa, c'est lent, planant, une voix gutturale entrecoupée de chant clair. Bref, sur le papier ça m'a emballé.
Nettement plus chaleureux que nos amis allemands, les membres d'Almyrkvi sont arrivés sur scène en disant "coucou" et en se présentant. Ça mérite d'être notifié, ou c'est probablement pour apprendre aux gens comment se prononce leur nom. Décor vaporeux, plein de fumée, spots bleus, ils avaient des capuches et des foulards (oui, comme Svartidauði, mais ils sont Islandais, ça a l'air d'être vachement la mode là-bas). Bref, là on était carrément plongés dans une ambiance de black atmosphérique, bien loin de la brutalité sonore du groupe précédent. Si certains ont pu trouver ça mou, j'avoue qu'avec la fatigue accumulée dans la semaine, une telle lenteur me convenait parfaitement pour ce soir-là. Le chanteur se donnait de la peine pour nous entraîner dans son univers mystique assez particulier il faut le reconnaître. J'ai été assez surprise par la sonorité du chant clair en live, je la trouvais plus fuyante, et elle m'emballait plus en album. Enfin, on ne va pas chipoter, pour une prestation en concert c'était sympa, je suis bien entrée dans le trip et j'aurais volontiers fait une petite sieste en écoutant cela si des canapés étaient à notre disposition dans cette salle. Mais puisque le Glazart les a supprimé il y a peu, il fallait donc rester debout et boire mollement sa bière pendant leur prestation.
Leurs titres sont d'une durée correcte, 6 minutes en moyenne, ce qui est pas mal car du coup, les auditeurs néophytes on pu selon moi pu apprécier la prestation sans pour autant tomber dans l'ennui. Personnellement j'ai accroché, et j'ai trouvé que le son, aussi variable soit-il dans cette salle, rendait justice à ce que j'avais entendu en album. Si c'était à revoir, en compagnie de Sinmara je suppose aussi, j'y retournerais, et je vais donc tâcher de suivre avec attention les sorties et actualités de ce groupe. Je vous conseille de même si vous aimez le chant un peu clair et le guttural avec un son qui gratte un peu le fond de la gorge.
Partie III : Sinmara
Sinmara est un projet musical que je mets facilement en lien avec celui de Misþirming. Non pas parce que je trouve que leurs musiques se ressemblent, mais se complètent admirablement bien, à l'image du Split qu'ils ont sorti cette année et qui débouchait sacrément les oreilles. Sans surprise, ils viennent aussi de Reykjavík, ils existent depuis 2013 et officient tout simplement dans le black metal, pas d'atmo, rien, juste du son qui cogne salement contre les murs de ta piaule et fait criser tes voisins. J'aime ces fondamentaux. La première fois que j'ai jeté une oreille à ce groupe, c'était via le Split et j'ai donc entendu le titre "Ivory Stone", ça m'a étourdi et j'en voulais encore plus. Ça tombait bien car l'album Aphotic Womb (2014) présentait toutes les qualités nécessaires à mon envie de brutalité du moment. l'E.P. Within the Waves of Infinity (2017) un court décrassage des cavités auditives de 19 minutes laisse penser que si un nouvel album doit sortir tantôt, il ne faut pas s'attendre à une balade tranquille. Comme quoi, les Islandais savent tout faire, le planant et la brutalité. J'aime ça et c'est pour cette raison que la venue de Sinmara m'emballait autant.
Un rapide aperçu de la setlist m'a permis de confirmer ce que je supposait déjà, c'est-à-dire qu'ils joueraient bien "Ivory Stone", mais le spoiler s'arrête là. Après une bande sonore d'ambiance, ils ont introduit le set par un titre de leur récent E.P. "Nine Halls", ça envoyait grave du pâté comme ça le présageait sur le papier. Le volume sonore ayant été un rien élevé, il faisait bon de se protéger les oreilles si on voulait encore pouvoir écouter quelque chose pour le reste de la soirée. Il y avait un esprit bien crade et rock'n'roll, l'imposant chanteur sous une capuche qui ne nous permettait pas de voir son visage grognait son envie de tout détruire sur son passage. Néanmoins, ou bien je suis devenue sourde, mais j'ai peiné à l'entendre et même après quelques minutes, non, j'entendais tout le reste, mais la voix m'a semblé trop faiblarde pendant tout le long du set. Fort heureusement, la furieuse batterie et les riffs entêtants ont compensé, mais la déception demeure. Le chant était quasi inexistant. À peine de le temps de se remettre de ses émotions, qu'ils poursuivent sur leur lancée avec "Ivory Stone" (n'est-ce pas ce que tout le monde attendait ?). Bon sang que c'était bon, mais peut-être était-il arrivé trop tôt ? C'est en tout cas ce que je me demande après coup. Ils ont enchaîné par la suite avec "Shattered Pillars", un titre de leur album qui a la particularité de cogner sévère, mais d'être assez long, mais avec des riffs bien entêtants comme ils savent bien les faire. Passé cette petite "ballade", la suite se voulait plus récente avec le titre "Within the Waves of Infinity" suivi par "Ormstunga", la soirée consistait donc à mettre en avant la sortie de l'E.P. ce qui n'était pas pour me déplaire. Ils ont conclu la soirée par le dernier titre de Aphotic Womb "Mountain of Quivering Bones", comme ça pouf ! Puis c'était fini. Trop vite, définitivement trop vite. J'en ai eu le souffle coupé et j'ai subi une sorte de coïtus interruptus, j'en aurais voulu plus, mais oui, force est de constater que ce n'était pas eux la tête d'affiche de la soirée.
Il fallait se contenter de ça. J'étais fort désappointée, pour la qualité du chant surtout, et parce que j'en attendais beaucoup, j'en ressors donc finalement avec un avis mitigé mais pas entièrement négatif. J'aime toujours Sinmara et je suppose et j'espère que j'aurais d'autres occasions de les voir et avec un son qui rendra probablement mieux la qualité sonore du bouzin.
Setlist :
Intro
01 - Nine Halls
02 - Ivory Stone
03 - Shattered Pillars
04 - Within the Waves of Infinity
05 - Ormstunga
06 - Mountain of Quivering Bones
Partie IV : Sortilegia
Ce n'est pas souvent que ça m'arrive, mais j'admets avoir débarqué avec une oreille totalement vierge de préjugés sur Sortilegia. Je ne connaissais absolument pas ce groupe avant d'aller le voir. J'avais lu vaguement qu'ils étaient Canadiens, pour moi probablement francophones mais je me suis vite rendue compte que je m'étais trompée sur toute la ligne. Sortilegia est un groupe de raw black metal qui vient de Toronto, donc rien à voir avec le Québec (remarque, sinon ils se seraient appelés Sortilège, comme je suis bête !). Ils existent depuis 2010, mais à leur allure et leur son, on pourrait croire qu'ils sont de la vieille époque, celle où les amateurs de noirceur et d'occultisme se passaient leurs K7 audio au crincrin sonore on ne peut plus douteux en se jurant qu'on avait trouvé là une pépite inédite. Ils ont sorti deux albums, l'un datant de 2014 Arcane Death Ritual, et un plus récent Sulphurous Temple. Le groupe est uniquement composé de deux membres, un batteur furieux et une guitariste grogneuse. Enfin, maintenant que j'y pense, c'est vrai que pour du black metal un peu mystérieux et mystique, on n'a pas besoin de plus, à l'image du duo américano-colombien d'Inquisition par exemple, deux musiciens ça suffit amplement pour faire le boulot.
Comme vous vous en doutez, à deux, ce n'est pas les balances qui ont mis le plus le temps au groupe pour s'installer, mais la mise en place du décor sur scène. Ici, on n'a pas affaire à un groupe de black metal à capuche ou foulard mais à bougies et encens, comme on peut retrouver chez Cult of Fire ou Batushka pour ne citer qu'eux. La batteur a installé un coffre, orné d'un tissu avec le logo mystique du groupe, de deux bougeoirs, un support à encens, un crâne une coupe et une bouteille d'un obscur breuvage. Après avoir bataillé avec son briquet, le batteur a finalement réussi à planter son décor pour ensuite disparaître en backstage. Les lumières se sont éteintes, laissant place à une obscurité mystique et de la fumée, beaucoup de fumée.
Éclairés uniquement à la lumière de leurs bougies, notre duo, après une musique d'ambiance sur fond de "niooooon...." sont entrés sur scène pour nous faire passer un moment que je définirais aussi honnêtement que possible comme étant une soirée sous le signe du black metal d'ambiance sous prozac. C'est tout l'effet que m'a fait ce groupe. Pas la peine de s'affairer à s'approcher de la scène, on n'y voyait quasiment rien, à part ce crâne et ces bougies, on pouvait vaguement discerner la chanteuse guitariste derrière son micro, mais très franchement, si je ne l'avais pas vu précédemment en balance, je n'aurais pas pu dire si c'était un homme ou femme derrière son micro, ni même de combien de membres était composé ce groupe.
Passé l'euphorie et la violence Sinmaraienne, le changement d'ambiance et de rythme que nous offrait Sortilegia était on ne peut plus déroutant. Pas un mouvement, le calme ambiant, le public était hautement concentré par la prestation des Canadiens. J'avais repéré quelques fans qui arboraient les couleurs du groupe sur leurs vestes en cuir. Visiblement, ça méritait le déplacement. Chaque morceau était composé d'un riff à la guitare un peu planant, d'une batterie tantôt furieuse, tantôt scandant d'un rythme lent et lourd la mesure. On était bien là pour passer une soirée tranquillou sous le signe d'un black metal vintage à fumée et bougies. Je ne saurais pas dire les titres, ni même ce que grognait cette chanteuse, car ces grognements étaient plutôt épisodiques, elle préférait laisser planer une ambiance vaporeuse avec ses riffs interminables qui rappelaient bien la belle époque d'un black metal occulte, sous le signe d'un Satan enivrant et thérapeutique. Car c'était probablement la raison de cette prestation, soigner notre dépression en douceur, tout en gardant la noirceur du black metal.
La séparation des titres se faisaient toujours par une bande-sonore qui, me semble-t-il devait être toujours la même, c'est-à-dire, composé de ce "nioooooon..." vintage. D'ailleurs, ils auraient pu jouer toujours les mêmes, titres, je n'aurais même pas su faire la différence entre eux tellement j'ai trouvé ça énigmatique. La prestation de Sortilegia m'a surpris, mais dans le bon sens du terme. Après, je ne vous cache pas que je ne suis pas sûre d'arriver à écouter ça chez moi, ou peut-être pour soigner mes insomnies, éventuellement.
Le set a duré à peu près une heure 10, puis ils sont partis, pouf, laissant place à leur bande-sonore en mode "c'est fini rentrez chez vous !" et c'est bien entendu ce que nous avons fait. Par pitié, ne me demandez pas la setlist, je vous dirais juste que j'ai perdu mes facultés intellectuelles et que Satan tout puissant s'est emparé de moi durant leur prestation. C'est tout.
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