Accéder au contenu principal

[CR CONCERT] Author & Punisher + Sure à l'Espace B, Paris (13/04/2019)




La dernière fois que j'avais mis les pieds à l'Espace B, j'avais été témoin d'une presque baston entre le vocaliste et l'ingé son, parce que l'un disait qu'il faisait un sale boulot et qu'on ne l'entendait pas. Et pour l'anecdote, la dernière fois que j'ai traîné au Dr. Feelgood, j'avais discuté avec un des musiciens de cette soirée avec qui on avait parlé de cette fois tragique dans cette salle. Le hasard a voulu que je traîne un compagnon d'infortune ici-même, mais je l'ai rassuré tout de suite, vu la lourdeur sonore du bouzin et le professionnalisme du gugus (aka, le mec tout seul d'Author & Punisher), non, pas de faux pas, au pire, il sera sourd, mais c'est parce que le son sera trop fort, et non pas parce que la qualité acoustique du bouzin sera mauvaise.

J'ai mis mille ans avant d'arriver ici, j'ai eu le privilège de me faire renverser une bière par un mec de l'orga alors que ma journée avait mal commencé et que les emmerdes s'enchaînaient, je me demandais si ça ne prendrait donc jamais fin. Mais, certes, nous avons patienté, patienté, tapé l'incruste aux balances du premier groupe, on a trépigné, j'ai parlé de synth dark wave machin chose. De Bauhaus, Depeche Mode, et d'une soirée ratée au Supersonic qui aurait dû contenir du son comme ce qui allait se produire ce soir. On se marre bien. Mais, la musique dans tout ça ? C'est vrai ça, on était quand même venus jusqu'au bout de Paris pour ça, non ?


Partie I : Sure

Qui est Sure ? Un digne successeur de Depeche Mode ? Un groupe qui fait appel à ces souvenirs où tu étais encore jeune et cool ? Ou à cette époque tant regrettée où l'ont savait encore faire une rythmique qui te donnait envie de bouger ton zguègue en rythme, te déhancher et de pécho dans des boîtes branchées ? Sure (sur l'originalité, on s'accordera à dire qu'on a trouvé mieux, tant on trouve un paquet d'homonymes musicaux),  pour sûr, ils carburent à un son qui sonne une bonne époque rétro, qui chemine entre la synth dark, wave, et puis on te colle du batcave, parce que tu aimais bien quand tu pouvais arborer des coiffures cheloues et des pantalons trop serrés et tout cela de manière totalement assurée, et de noir vêtu, tu étais le roi ou la reine de la nuit, ou les deux. Que sais-je ? On ne sait plus qui est qui. Leur musique est qualifiée de sauvage pour garçons faciles. Le ton est fixé.

Ce trio infernal annonce la couleur, tranquille posé. Avec un bassiste qui fait la gueule (clairement), un guitariste caché qui ne lèvera jamais le regard de son instrument. Seul mec qui sauve la mise, c'est le chanteur percussionniste qui donne le ton et qui permet au public d'avoir une réelle interaction avec le groupe. En un mot, ils planent, mais leur son est bougrement efficace, oui, c'est bien cela que j'attendais lorsque je voulais écouter de de la dark synth wave trucmuch. Ils sont les dignes successeurs, tout comme avant et aujourd'hui. Ils sont culottés, mais faut reconnaître que c'est bougrement efficace. Ce chant fuyant et larmoyant nous transporte dans une époque rétro qui n'en finit pas de séduire et de faire appel aux souvenirs des nostalgiques que nous sommes, celle d'une époque où la musique qui passait à la radio était bien. Celle où on te colle plein de morceaux et que tu connais le groupe voire le titre. Celle où tu peux fredonner les airs de plusieurs chansons, t'as pas forcément les paroles car tu étais probablement un peu jeune pour t'en souvenir. Mais faut reconnaître que Sure a entamé les hostilités en douceur. J'ai bien aimé voir le chanteur se déhancher, sortir son tambourin pour nous conter son histoire probablement très triste (car les histoires ne finissent jamais bien !). Triste mais doux. Sobriété, musicalité, rythmique réglée comme un métronome, pas de faux pas, il suffisait juste de se laisser bercer pour s'enivrer, et ce, même sans alcool, ça marche quand même. Pour un peu, on trouverait presque ça romantique, mais darky, quand même, archi darky mec !

Pour l'occase ils nous ont même gratifié d'une reprise de Depeche Mode "Shout", prévisible, certes, mais franchement, c'était plutôt raccord. Ils avaient de la gueule et faut avouer que ça tombait juste. J'ai aimé Sure, parce qu'ils m'ont parlé à moi, cette nostalgique d'une époque oubliée, celle où l'on pouvait tout oser. En gros. Et puis ça m'a rappelé un pote, alors du coup, je lui en ai parlé.



Partie II : Author & Punisher

Et voilà, c'est là que les choses sérieuses commencent enfin. La Bête arrive, la Bête est vernie ! Difficile de résumer le bonhomme en deux lignes, tant le travail accompli est à saluer, pour l'effort, pour le geste, pour la détermination et pour l'essence même de ce qu'est la musique Industrielle avec un grand i. On le range dans le metal, parce que faut reconnaître qu'il est difficilement audible pour des canaux auditifs non usités. Author & Punisher est une musique qui ressemble un peu à un chemin de croix, elle n'est pas faite pour être agréable, c'est cathartique, il se passe beaucoup de choses dans tes tripes et dans ta tête. Mais je m'emballe avant même de présenter le sieur Tristan Shone, qui est artiste, vocaliste mais aussi ingénieur. Il joue et fabrique lui-même ses propres instruments depuis 2004, c'est un son dingue. Et faut reconnaître qu'avec Beastland son huitième album, il nous a mené bien loin dans la noirceur. 

Je l'ai connu sur le tard, mais je ne pense pas que ça influence en quelque chose toute l'admiration que j'ai pour sa musique. Très rapidement je me suis prise au jeu et j'ai compris que bien qu'étant une grande admiratrice de metal, l'indus avait également des choses à me raconter. Comme je le dis toujours "Ce n'est pas fait pour être agréable" Voir le gus débarquer avec sa table et son espèce de machine à coudre et ses spots, on sait à quoi s'en tenir. Ce sera certainement minimalisme, mais soyez rassurés, ça fera mal quand même. J'ignore si c'est une nouveauté de la salle, où si je ne l'avais pas remarqué avant, mais certaines dalles du plafond sont dotés d'un vinyle réfléchissant, de sorte, on a l'impression de se retrouver dans une sorte de vaisseaux, j'opte pour le "je n'avais pas vu avant", mais avec les spot du gus, on comprend tout l'intérêt du bouzin. L'homme prend place, installe sa sono, branche son bazar, les hostilités peuvent enfin commencer.

Je me faufile pour voir de plus près. Je suis toujours étonnée, car j'imagine toujours une notoriété plus grande aux artistes que j'admire, pour sûr, son merch déborde de t-shirts, et je me retrouve dans une petite foule d'amateurs, dans une salle à l'allure d'une cave. Bien étrange sensation. Et le calvaire peut commencer. 

Dans un vrombissement typique, les sons métalliques s'entrechoquent, le gus use de tous ses talents pour que "cette machine" fasse de la musique. Dans bien des têtes, on ne comprendrait pas ce qui nous anime, ce qui nous pousse à supporter cela,voire même, à trouver cela agréable. Je jubile, le son est suffisamment calibré pour que nous ne puissions faire qu'un avec la musique, plus rien ne compte si ce n'est ces sons qui nous transpercent de toutes parts. Pas d'entrée ni rien, le plat de résistance du bonhomme est déjà tout bon à être consommé. Nous sommes happés, subjugués. Le premier morceau nous a déjà scotché. Nous applaudissons, une personne se risque à gueuler "Hail Satan", je ne sais pas si Satan a quelque chose à voir avec tout ça, si c'est vraiment une entité, une bête, ou si ce n'est pas tout simplement la machine qui a pris le contrôle de l'homme. 

Ecouter Author & Punisher est une quête introspective, vous pouvez aller le voir en bonne compagnie, mais sachez toutefois qu'une fois mis dans le bain vous oublierez tout, plongé dans le noir et sa musique désespérante. Seuls ses cris lancinants nous rappellent que nous ne sommes pas seuls, mais ça reste pas très rassurant faut le reconnaître. Il y a quelque chose de vraiment sombre et pas net. On le voit user de sa machine, forcer, comme s'il luttait contre elle. On ne sait plus qui contrôle qui, c'est assez déroutant à voir. Sous la table, on peut voir ses jambes qui s'agitent, marquent la rythmique, comme un pantin en somme. 

Dans les faits, on sait que c'est lui qui est le maître de la situation, dans la forme, on ne sait plus trop rien. Et moi, je vous avouerais que j'ai rapidement oublié ma lucidité, la notion de temps d'espace, et ce que j'étais venue faire par ici. Ah pour sûr, comme disait quelqu'un entre deux chansons, "Ils nous a puni !", c'est tout à fait ce que l'on peut ressentir. Pourquoi tant de haine, de noirceur ? Pourquoi si peu d'humanité dans cette musique menée par ce type ? Pourquoi souhaite-t-il nous faire tant de mal ? Où s'arrête la musique, où commence le bruit ? C'est souvent la question que je me pose, et j'avoue que concernant Auhor & Punisher je botte en touche. Je ne sais pas, et c'est probablement mieux ainsi.

C'est une sorte de badtrip qui semble ne jamais finir, tant il s'acharne sur sa machine pour sortir ses sons abominables, qui nous broient littéralement les tympans, et chose curieuse, qu'on redemande encore et encore. À chaque fin de morceau, on espère que ce ne sera pas le dernier. Pourtant la fatigue se fait sentir, autant pour lui que pour nous. Mais on souhaiterait pouvoir tenir jusqu'à l'épuisement des guiboles et qu'on perde totalement la raison. Lui s'hydrate, nous pas, pas le temps, pas la volonté. Mon esprit est trop happé pour pouvoir penser à autre chose.

L'homme finit tout de même par tirer sa révérence. Nous sommes sciés, j'avoue que je ne m'attendais pas à ça. Il m'a ébloui par sa noirceur. Je déconseille aux oreilles sensibles, mais incite fortement aux esprits torturés et masochistes, c'est une came parfaite pour vous.


Setlist:

01 - Pharmacide
02 - Nazarene
03 - Women & Children
04 - Nihil Strength
05 - Beastland
06 - Terrorbird
07 - Night Terror
08 - Ode to Bedlam
09 - Apparition
10 - Disparate

 Fjesboka


Et parce que certaines histoires finissent parfois bien, c'est cadeau.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

[CHRO] Julien Heylbroek - (2014) Stoner Road

Julien Heylbroek est né en 1980 à La Rochelle. Co-fondateur des Éditions TRASH, il écrit depuis un moment et comme vous pouvez aisément le constater, il cultive lui aussi une passion pour le gros son. Stoner Road paru aux Éditions ActuSF il y a quelques années, est une pépite honteuseusement méconnue sur laquelle je suis tombée sur le tard au détour d'un recueil de nouvelles d'Helios. Je me suis rappellée subitement que ce nom avait déjà traversé mon esprit auparavant. Du coup cette fois-ci je n'ai pas hésité plus longtemps, j'ai enfin fait l'acquisition de ce bouquin et je l'ai lancé dans la foulée dans ma liste de lecture littéraire et auditive. Une bonne raison pour le chroniquer ici donc. L'histoire de Stoner Road est assez simple. Josh Gallows, junkie invétéré au volant de sa Pontiac est à la recherche d'Ofelia, sa chica mexicaine avec qui il s'est salement brouillé. Il part en direction de la dernière Generator Party et constate av...

[MU] Liste de lecture #01 Vous allez vous aimer les uns les autres putain de bordel de merde !

Voilà, voilà ! 01 - Elephant Tree - Circles 02 - The Great Old Ones - My Love for the Stars (Cthulhu Fhtagn) (version acoustique) 03 - Sylvaine - A Ghost Trapped In Limbo 04 - Spectrale - Attraction 05 - Electric Octopus - Absent Minded Driving 06 - Agnes Obel - Golden Green 07 - Havnatt - Myrulla 08 - Völur - Breaker of Famine - VI. O Fathers 09 - Wardruna - Raido  10 - Zeal & Ardor - You ain't Coming Back 11 - John Garcia - Gardenia (version acoustique)* 12 - Nick Oliveri - Autopilot  13 - John Garcia - Softer Side* Et comme je suis une bonne âme, cette liste de lecture de l'amour se retrouve en intégralité ici . *John Garcia est amour, toutes les chansons sont faites pour s'aimer, et surtout l'album A Coyote Who Spoke in Tongues .

[MU] Liste de lecture #03 - 30 DAY SONG CHALLENGE - Day 24

Jour 24 : Une chanson d'un groupe qui n'est plus ensemble (mais j'aimerais bien que ce soit encore le cas) Oppunder Skrent of Villmark - Storm Pour le coup je triche un peu (encore !). Peut-on dire que ce groupe a-t-il vraiment existé un jour puisque leur collaboration s'est arrêtée à peine l'album enregistré ? Allez, on va dire que oui, parce qu'ils se sont bien réunis à un moment donc ça marche (un peu). Storm est une collaboration norvégienne formée en 1995 par trois Norvégiens emblématiques de la scène metal de l'époque. Fenriz (Darkthrone), Satyr (Satyricon) et Kari Rueslåtten (The 3rd and the Mortal). Le seul album Nordavind rend compte du mélange de black, folk, viking metal, le tout en langue norvégienne.  Cet album reprend des standards de la musique folklorique norvégienne à la sauce metal, puis d'autres arrangements qui rendent hommage à la culture païenne. C'est une des raisons pour lesquelles leur collaboration s'arrêt...