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[CHRO] Primitive Man - (2017) Caustic

Du bon gros malaise


Primitive Man, c'est un groupe américain originaire de Denver (mais il n'y a pas de dinosaure sympathique chez eux). Ils officient admirablement bien dans le sludge/doom et un peu noise aussi depuis 2012. Ça suinte la musique malsaine pour le plus grand plaisir de nos canaux auditifs un peu masochistes. Après un premier album, Scorn (2013) ils nous gratifient d'un album toujours aussi lent et pesant, Caustic. Autant vous prévenir tout de suite, écouter Primitive Man, s'est subir un peu plus d'une heure et quart de calvaire.

Dès les premières secondes de "My Will" on sait tout de suite que ce grincement insupportable qui nous assaille c'est bien eux, Primitive Man. Y a des touches musicales qui ne trompent pas. Le chanteur du groupe, qui nous sort un raclement de gorge qui ferait ainsi le bonheur des concepteurs des pastilles Lisopaïne, tant on a mal pour lui et on sent qu'il en a rudement besoin ce pauvre garçon. Il y a une rage aisément perceptible. Mais qu'est-ce qui l'énerve donc tant ? On a un peu l'impression qu'on aurait écartelé l'Orangina Rouge tant il dégage une haine peu commune. Voilà. Mais, qu'on fasse quelque chose pour sa gorge, car il me fait vraiment de la peine.

"Victim" est le titre que j'ai connu grâce à son clip qui fleure bon le malaise. J'imagine déjà l'ambiance avec ce clip projeté dans une soirée mondaine. Le titre commence gentiment, avec puis le rythme s'accélère, pour de nouveau ralentir, laissant les vocalises si magnifiques de ce chanteur aisément perceptibles. C'est du grand Art, qu'il chante rauque ou qu'il essaye de nous cracher un bon gros glaviot, on sent bien que ça a dû demander des heures et des heures d'apprentissage. Très franchement, j'ai entendu ça nulle part ailleurs que chez Primitive Man. Il y a quand même quelques riffs qui sonnent comme un bon doom déprimant. Ah non, on ne parle pas là d'attitude victimaire, mais de gros malaise musical. Et quand le rythme s'accélère, mon cœur bat la chamade, je me demande quand est-ce que cela va s'arrêter, je me demande si je peux oser baisser le volume pour retrouver mon calme mais non. Je ne peux pas. Primitive Man, ça se subit, à l'image de ces pointes d'accélérations de la batterie qui t'étourdissent sans prévenir. Oh oui, ce titre est bien représentatif de l'esprit de l'album, c'est du grand art. On assiste ici à une lente agonie vocale, chapeau l'artiste. Moi aussi j'ai envie de t'achever.

Dans un grincement nous passons à l'autre titre "Caustic", on entend comme un bruit de moteur puis ce "iiiiiih" qui fait bien mal aux oreilles. et on enchaîne sur "Commerce". "Commerce" commence lentement, dans une ambiance doom dans un esprit franchement funeral mais avec un chant agressif. On sait ici que le calvaire risque de durer un peu plus que les autres titres. C'est le titre le plus lent, le plus contemplatif, pendant ces 12 minutes vous pourrez ainsi prendre le temps de reprendre votre souffle et apprécier un soupçon de musicalité supportable (oui, ça sera pas non plus super agréable, ne rêvez pas). C'est ainsi l'occasion d'assister à la lente agonie de votre pire ennemi dans un fond sonore dont seul Primitive Man a le secret. Ce titre me détend, étonnement. Après tant d'agressivité le choc est rude, mais salutaire. (hey c'est pas fini les mecs !) La saturation des instruments est à son paroxysme, sa lenteur pesante, et la batterie tonne quand elle en a bien envie. Au bout de 6 minutes, le rythme s'accélère et les guitares se font mélodie, enfin, une mélodie franchement angoissante, parce qu'il faut pas pousser non plus, on a dit qu'on écoutait du doom là. C'est un peu apocalyptique comme ambiance, mais jusque là, rien d'étonnant. Les mecs excellent en la matière cette ligne de basse continue suffit à nous enivrer, et ces cymbales auront raison de notre santé mentale. Enfin, si vous arrivez jusqu'à la fin. Ce n'est pas donné à tout le monde, faut le reconnaître. Après cette partie instrumentale, le chant finir par revenir, parce que bon, c'est bien aussi. Un rien haineux et agressif, fini le funéraire, de retour à l'agitation. 

"Tepid" introduit sur un son de guitares saturées, oui, bah comme d'habitude, et une rythmique un peu classique. Un rien lente, mais c'est pour apprécier les harmonies vocaliques qui vont avec. Le chant n'est plus rauque mais un rien aigu. Je pense qu'on est tout simplement en train de le dépecer vivant ce pauvre garçon. Car il n'y a rien d'autre qui puisse expliquer une telle souffrance. Et puis j'aime cette batterie imprévisible, ces riffs continus. "Tepid" suinte la douleur, "Tepid" nous bouscule gentiment hors de notre zone de confort pour nous cogner à cette souffrance vocalique qu'on voudrait fuir à tout prix. 

Sur "Ash" il y a des sons qu'on ne reconnait pas trop. Le bruit du métro ? Allez zou, je vote pour ça, c'est mon interprétation libre. C'est le moment où jamais de sauter dessous si vous ne voulez pas entendre la suite. Ça bourrine grave sur "Sterility", le tempo s'est franchement accéléré pour notre plus grand bonheur. Ici le chant se fera rauque et agressif. Le rythme ralentira un brin. Mais c'est juste pour vérifier si on n'est pas tombé dans les vapes. C'est quand même super sympa de leur part. Les riffs un rien planants nous projettent dans une ambiance faussement sereine. C'est d'une telle lourdeur, et ce chant est tellement malsain. Ça me fout les boules rien que de l'entendre. Quelques cris aïgus saccadés, le rythme bourrine de nouveau, et ça grogne de plus belle. Ah mais on ne vous a pas dit que ce serait une partie de plaisir.

"criiiiiiii" et hop, on passe à "Sugar Hole" (oui, ce titre n'annonce rien de bien chouette faut reconnaître). On retourne dans nos lenteurs apaisantes et contemplatives auditivement parlant. Le chant donne le ton à la guitare, c'est sympa, c'est frais. Non, en fait, je déconne, il pourrait bien faire -20°C on me retirera pas de l'esprit que j'ai l'impression d'être baignée dans une chaleur moite en écoutant ce titre. Puis le volume sonore baisse enfin, dans cette douce lenteur. Ouf, je n'ai pas perdu mon audition, quoi que ?

Autre interlude, "The Weight", on entend des sonorités étranges, des cris et gémissements féminins et un vrombissement dont on ne saurait deviner l'origine. Puis ce grincement et un cri déchirant. Ah, tu le sens ton gros malaise hein hein hein ? Pas le temps de souffler, "Disfigured" nous crache toute sa rage, sa haine, et un rien de doom habilement condensé. Oh et puis cette batterie et ces riffs qui partent au quart de tour en mode haaa tiens vas-y que j'te plante l'air de rien. Les cris du chanteur seront essentiellement suraigus, mais c'est parce que sinon vous risquerez de vous y habituer. Et puis le tempo augmente, la rage et la douleur du monsieur également. Les riffs sont en rythme avec la batterie, ça passe crème. Je crois entendre des cris parmi ces sons un peu mystérieux. Est-ce que ma santé mentale me jouerait des tours ? Rien n'est moins sûr. Les sonorités se veulent expérimentales, pas du tout faites pour être agréables en tout cas. J'ai envie de leur demander de couper leur guitare car il y a un retour sonore vraiment pas sympa du tout. Je ne sais plus trop si j'écoute du bruit ou vraiment de la musique. Le rythme est ralenti, la guitare saturée et le chant rauque à leur paroxysme. On peut de nouveau reposer nos esgourdes. Le pire est passé, du moins, je l'espère. Il se dégage une sorte de sérénité, mais c'est pas vraiment rassurant dans l'idée, car ce n'est pas la marque de fabrique de Primitive Man. Enfin, je confirme, il faut vraiment qu'il fasse quelque chose pour soigner ses maux de gorge, ce n'est pas normal qu'il souffre autant. 

On enchaîne sur "Inevitable", toujours ces grincements, ouais, bah on commence par avoir l'habitude. Puis les cymbales et c'est reparti pour un tour. Dans une lenteur bien doomesque on sent bien que nos bonhommes se sont assagis (mais pour combien de temps ?). Au final, on subit et défaitiste on se dit, bah de toutes les façons, que peut-on y faire ? Ça va faire une heure qu'on supporte ce calvaire, donc un peu plus, un peu moins, j'ai envie de dire, allons bon ! C'est devenu normal. Oui, ce morceau suinte une haine qu'on pourrait qualifier de "raisonnée". Des riffs aigus transpercent notre canal auditif, et puis on se dit que finalement, si on est là, c'est un peu pour en baver, et parce qu'on aime ça aussi. Je les aime bien, ils ont un quelque chose d'apaisant. Et oui, au final, "Inevitable" porte bien son nom, fallait bien en passer par-là pour arriver à supporter Primitive Man. C'est le titre le plus long, 12:28 de calvaire assumé. On n'a pas trop envie de se presser, parce qu'on ne sait pas vraiment encore ce que le dernier titre nous réserve. On prend le temps à l'image de cette batterie a ralenti, et de cette double pédale molle. Ces riffs saturés qui semblent ainsi perdent de leur splendeur et leur souffle, apathiques, notre homme primitif nous fait savoir qu'il fatigue un peu. Mais non, le chant est revenu, toujours aussi torturé et enragé. Il y a comme qui dirait un parfum de fin du monde sur ce titre. Il conclut sur des grognements bestiaux. Vous n'avez plus votre mot à dire.

"Absolutes" introduit sur des grincements énigmatiques. le souffle du vent. J'imagine quelqu'un sur une vieille balançoire rouillée le jour d'après l'apocalypse. quelques grattements de cordes. Des tintements et des bruits étouffés. Des vibrations, comme après une lourde et violente déflagration. On ne sait pas vraiment où on est ni ce qu'on vit. Mais il y a fort à parier que ce n'est pas commun. Ce titre instrumental aura eu raison de votre patience et se permettra de réduire à néant tout ce qui vous restait de santé mentale. 

Comme ça c'est fait. 

Contenu :

01 - My Will
02 - Victim
03 - Caustic
04 - Commerce
05 - Tepid
06 - Ash
07 - Sterility
08 - Sugar Hole
09 - The Weight
10 - Disfigured
11 - Inevitable
12 - Absolutes



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