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[CHRO] Zeal & Ardor - (2018) Stranger Fruit

Le meilleur album de l'année ?


Zeal & Ardor, c'est le projet musical de Manuel Gagneux, cet Américano-Suisse à l'imagination prolifique. On retrouve ses premières traces acoustiques via Birdmask, là-dedans, on y voit effectivement quelques touches acoustiques de ce qui sera Zeal & Ardor (jetez-y une oreille, avec le recul c'est assez fascinant). Zeal & Ardor, c'est une association de styles musicaux improbables initiée via des internautes sur la célèbre plateforme 4chan, "black metal" et "nigger music", en trente minutes il a pondu un titre et a trouvé là le style qui lui permettra de se démarquer. Après un premier album éponyme sorti en 2014 sur Bandcamp, on y trouvait effectivement un peu de soul, de spiritual, quelques touches de black metal et un peu d'electro. Un peu touche à tout et curieux. En moins de 30 minutes, Manuel Gagneux ébauche son univers. C'est prometteur, mais force est de constater que ça n'aura pas l'engouement qu'a eu en 2016 l'album Devil is Fine (c'est celui que j'ai découvert, comme tant d'autres). Le titre phare de l'album étant autant captivant que déroutant. Un nouveau genre était né. Même formule, un album concept de moins de 30 minutes avec des titres qui explorent petit à petit le mélange des genres entrecoupé d'interludes "Sacrilegum". La magie opère parfaitement. Je suis euphorique et admirative. J'écoute les deux albums en boucle, fascinée par ce qui me tombe sur la tronche et ne parle plus que de ça. 

Et puis l'annonce d'une tournée. Quoi ? Comment est-ce possible ? Le bonhomme signe avec un label, se forme un petit groupe sympatoche, profite de l'occase pour prendre un vrai batteur (il était temps !) et faire le tour de l'Europe. Il nous gratifie d'une prestation parisienne au Glazart que je qualifierais de mythique. Le mec a réussi à nous scotcher avec une setlist composée en grande majorité de nouveaux titres. Chapeau !

Mais Manuel ne s'arrête pas là. D'ailleurs Zeal & Ardor est devenu tellement hype qu'on en parle sur Arte et Telerama, c'est dire ! Il nous annonce qu'il pond un nouvel album, nous met en haleine en distillant quelques titres par-ci par-là, des vidéos d'intro qui font grave envie et le 8 juin sort enfin Stranger Fruit. Et nous voilà enfin ici. 


L'intro tout en douceur que nous avait dévoilé Manuel avant la sortie nous mettait bien dans le bain. Avec un air qui reste dans la tête. Dans ce décor un peu post-apo, des blondinets aux yeux bleus aux visages émaciés ont de quoi intriguer. Mais dans quoi va nous emmener Zeal & Ardor ce coup-ci ?

"Gravedigger's chant" continue sur sa lancée. Point de guitare saturée, un chant clair entêtant, c'est un peu la marque de fabrique du bonhomme. Là-encore il s'agit d'un morceau qu'on avait pu découvrir en avant-première. On sent la montée en puissance qui ne va pas tarder à venir. Mais patience les amis. C'est avec "Servants" que l'album commence à déboucher sacrément les oreilles. "Servants ! Join us !" Alors là, oui j'avoue, je suis totalement acquise à la cause Zeal & Ardorienne, il n'en faudra pas plus pour me convaincre. C'est là qu'on comprend que les parties metal prennent toute leur ampleur, et le mélange avec la soul, chant guttural et la guitare saturée passe admirablement bien. C'est fou, parce que Zeal & Ardor ça n'a pas besoin de trainer en longueur pour être efficace. Un riff bien pensé, 3.30 montre en main et hop, on a un super titre.

"Don't You Dare" est un titre que l'on avait l'occasion de découvrir préalablement en live. Je ne sais pas  pour vous, mais pour ma part, cette guitare d'intro me fait penser à ce titre de Limp Bizkit vachement connu dont j'ai oublié le nom. Mais c'est forcé qu'il y fasse référence. C'est brillant, ça oscille entre parties calmes et riffs black metal accrocheurs. Les chants gutturaux sont bien calés. On les trouvait discrets, mais là, ce chant qu'il arrive à nous sortir d'outre-tombe, quelle rage, quelle puissance. Chapeau Manuel ! je m'incline."Fire of Motion" commence sans chichi, brut de décoffrage boum ! Avec une basse qui décoiffe. Elle était discrète sur le précédent, mais sur ce titre on a une ligne mise en valeur et je dis oui ! Une brutalité qui arrive à point nommée ma foi. Le bm se mélange avec du prog (sisi ! du prog !) et ouais fallait y penser, mais que c'est bon ma parole que c'est bon ! Il a tout compris et je suis fan. J'ai envie de bouger dans tous les sens, preuve que c'est d'une telle efficacité. 2.29 à encaisser. BOUM. Puis y a un petit air qui revient souvent, ça ne serait pas une petite allusion l'air de rien à "Death of a Billion" issu du premier album ?

"The Hermit" permettra à vos cervicales gentiment endolories de se reposer un peu. Dans un décor acoustique façon petits oiseaux et chants tout droits sortis du Grand Divin. Où sommes nous ? Au paradis ? Est-ce donc là notre destinée ? Manuel Gagneux tapote même sur son clavier, c'est une ambiance zen à son paroxysme. Je l'aime beaucoup. C'est un titre de transition parfait qui augure quelque chose de grandiose pour la suite. "Row Row" est un titre qu'on a également eu l'occasion de connaître en live. Il commence en chantant et en frappant des mains, et puis parce qu'on est quand même un peu dans le bm, tout ceci est coupé de riffs et de chants enragés. J'aime bien quand il force dans les aigus, autant en chant clair et guttural. C'est réussi. Et puis parce qu'on est pas là que pour bourriner, il nous sort des riffs dignes d'un bm mélodique. Oui, faut reconnaitre que le mélange des genres est cool. Je dis OUI. "Ship on Fire" quant  à lui fait partie des chefs d’œuvre de l'album. Totalement maîtrisé. On a enfin du chœur mêlé avec du bm ! Bon sang, avec du chant religieux dans le délire. Hey et les mecs, et cet air de fin à la guitare, il ferait pas penser au titre "Bounty" du premier album ? Coïncidence, je ne crois pas. Zeal & Ardor parle aux fans de la première heure, c'est sûr. "Waste" se situe dans une ambiance black metallesque nettement plus tradi. Manuel use enfin de la double pédale et des riffs qui sonnent totalement bm. Le chant guttural est torturé au possible. Là c'est sûr, pour ce morceau il s'est fait plaisir et a voulu rendre hommage au black metal norvégien dans sa plus pure tradition. Accompagné de chants fuyants un peu mystiques, on ne peut qu'être conquis, non ?

"You Ain't Coming Back" est un titre qui sonne nettement plus blues. Le changement de rythme passe toutefois très bien, parce que j'vous le donne en mille, c'est du Manuel Gagneux tout craché et moi j'aime bien quand il joue avec mes nerfs. Un peu de douceur dans ce monde de brutes putain de merde ! "The Fool" on retrouve l'orgue, ah oui, ça rappelle les titres "Sacrilegum" du précédent album. Bien sûr, il parle aux fans là-encore, avec ce titre de transition. C'est beau et ça permet gentiment de se reposer. "We Can't Be Found" est un titre d'une telle lourdeur, avec des riffs accrocheurs qui te tombent dessus comme une masse. On retourne dans le délire prog pour notre plus grand plaisir. "Stranger Fruit" quant à lui surfe sur une autre ambiance. Totalement hypnotique avec ces chants féminins en fond sonore. Une parfaite rage contenue. bam bam bam - bam bam bam - bam bam bam. "Stranger" Fruit, une allusion directe à Billie Holiday façon bourrinitude. Plongé dans une ambiance mélancolique. On s'oublie, on s'enfonce, on fuit.

"Solve" revient à l'orgue ça faisait longtemps. C'est bien pour cela que je me tue à le dire, Zeal & Ardor s'apprécie dans son intégralité, son tout, et ses transitions. Sans cela, ça n'aurait pas de sens. Point. "Coagula" SOLVE - COAGULA" vous voyez où je voulais en venir. Tout est lié. Ces chants rythmés et martelés en pleine tronche annoncent la couleur. 1.38 seulement.

Et bientôt la fin, déjà la fin dis-je "Built On Ashes". C'est le morceau qui conclura l’œuvre dans une douceur mystique. Tout comme "Devil is Fine" était un appel, celui-ci, si j'me trompe pas remplira parfaitement son office. Après plusieurs écoutes, je ne peux m'empêcher de fredonner "We are bound to die alone" suivi d'un "lalala" dont je suis coutumière parce que je me rappelle difficilement de plusieurs phrases d'affilées. Mais celle-ci reste bien en tête, faut le reconnaître. On pourrait lui reprocher de sonner trop pop. Mais peut-on sincèrement lui reprocher de sonner trop quelque chose ? Nettement plus dans un registre soul. Les guitares saturés se taisent pour laisser place à l'introspection. Fuyantes, comme nous, comme cet album qui se termine déjà. On se sent lessivés, comblés, en un mot : heureux.

Mais putain, déjà ?


Pour cet album, Manuel Gagneux a sorti le grand jeu. Il s'agit sans conteste de la production la plus aboutie de Zeal & Ardor. Tout en restant dans sa continuité, il s'adresse aux fans mais aussi aux nouveaux, il affirme le genre dont il est le créateur. Il ose. L'album glisse bien dans les canaux auditifs dans son intégralité. 16 titres, un peu plus de 47 minutes qui l'eut cru ?  Pari risqué et réussi. On a probablement affaire à la meilleure pépite de l'année 2018. Pour la suite, je n'ai qu'une chose à dire, rendez-vous en décembre pour la retranscription live du bouzin.

Contenu :

01 - Intro
02 - Gravedigger's Chant
03 - Servants
04 - Don't You Dare
05 - Fire of Motion
06 - The Hermit
07 - Row Row
08 - Ship On Fire
09 - Waste
10 - You Ain't Coming
11 - The Fool
12 - We Can't Be Found
13 - Stranger Fruit
14 - Solve
15 - Coagula
16 - Built On Ashes






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