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[CR CONCERT] Redbull Music Festival - Major Arcana, au Trianon, Paris (25/09/2019)



Cette célèbre marque de boisson énergisante a entrepris de collaborer avec un couple d'artistes, Førtifem à l'élaboration d'un nouveau genre de festival alliant art graphique et musique. Le concept était assez flou, et pour tout vous dire, j'y suis allée à l'aveugle et à l'arrache, me décidant au dernier moment en partant du postulat que si Regarde les Hommes Tomber et Hangman's Chair y participaient, et bien cela ne pouvait pas être foncièrement mauvais.


Après un périple épique pour entrer au Trianon, dans la file d'attente la plus longue de l'histoire des concerts de metal pour ma part. Nous croisons même une touriste, les yeux écarquillés qui nous demande ce qui se trame dans le coin. Nous lui expliquons vaguement le concept, elle ne semble pas comprendre comment cela peut rassembler autant de gens. Moi-même je n'y comprends pas grand chose. Mais soit, la soirée promet d'être pleine de surprises.
Nous entrons au sein du Trianon, salle que je n'ai pas encore foulée, elle est belle, à l'ancienne avec des sculptures et deux étages de balcons qui rappellent une époque oubliée où l'on faisait encore de jolies salles avant tout. On ne saura pas ce qui a motivé le choix de l'organisation, la date de disponibilité et la taille sans doute. Les deux balcons sont clairement judicieux, car ce qui compte c'est surtout de pouvoir bien apprécier les illustrations. Nous sommes contents de poser nos fesses sur les fauteuils et pouvons apprécier une sympathique vue plongeante sur la scène, à supposer, bien sûr qu'on ne trouve pas de géant ou de personnes avec des coiffures élaborées en hauteur. Ce qui ne manquera pas de nous irriter un brin. Bref.


Acte I : La Mort - Nostromo VS Dehn Sora 

Nostromo a la primeur d'entamer les hostilités, il s'agit d'un groupe réputé pour sa musique brut de décoffrage. Originaires de Suisse, ils officient dans le metalcore depuis 1996 dans les caves et squats de Genève. Le groupe se sépare en 2005 et se reforme en 2016 à l'occasion entre autres, d'une tournée de Gojira. Le nom ne fait pas référence au roman de Joseph Conrad mais au vaisseau dans Aliens, ce qui, comme vous vous en doutez, est d'une déplorable banalité venant de la part de metalleux. Ils trouvent que, je cite " L’idée c’est que ça représente un truc sombre, lointain, cradingue, dans lequel il se passe pleins de trucs laids, donc on estime que c’est assez visuel pour correspondre au nom de groupe". On l'aura compris, ils ne sont pas là pour animer les mariages ou l'anniversaire de Tatie Ghislaine, et encore, si Tatie carbure au metalcore, ce serait probablement le plus beau cadeau d'anniversaire qu'on pourrait lui faire. Du fait, de leur entreprise peu banale et leur domaine créatif assez bourrin, leur discographie n'est pas bien étoffée malgré l'ancienneté du groupe. Ils nous ont toutefois gratifié d'un récent E.P. en 2019 NARRENSCHIFF. Tout est dit, ou presque.

Nous avons mis un instant à comprendre que les set seraient composés de split, et donc de savoir qu'un certain Dehn Sora accompagnait le groupe. Dehn Sora est une figure énigmatique, à la fois musicien, photographe et graphiste (okay, comme beaucoup de black metalleux de la scène française). On ne compte plus ses collaborations graphiques et musicales. Il me semble que son intervention avec Nostromo relevait d'une petite touche de dark ambient dans cette brutalité crasse qu'élaborait le groupe. Et c'est sans doute pour cela qu'on a eu du mal à se rendre compte de sa place dans ce split. 

Mais revenons à nos moutons, LA MORT pardi. ça fait un peu bateau dit comme ça mais bon c'est très metal alors on va dire qu'ils sont totalement raccords avec l'esprit du genre. Nostromo est représenté par la carte du Mat dans le tarot, et Dehn Sora l'Hermite. Les explications via ce choix sont assez suggestives, parfois assez significatives, j'ignore si les artistes ont eu le choix où bien si cela relevait uniquement de l'initiative de la part de Førtifem.Toujours est-il que nous avons été baigné dans le savant mélange collaboratif acoustique de ces deux groupes dans une curieuse ambiance. Les morceaux de Nostromo sont courts, brutaux, Dehn Sora capte l'auditoire via ses mises en abîmes acoustiques qui permettent de laisser un temps de répit plus ou moins paisibles et angoissant pour l'auditeur. Visuellement parlant, parce que c'est aussi ce qui nous intéresse, Førtifem plante son décor animé sous la forme d'arbres morts, de montagnes dégarnies, de toiles d'araignées de cadavres et de loup. Un calme angoissant qui dénote par rapport à la brutalité de la musique de Nostromo. La mort est-elle paisible ? On retrouve également la figure du serpent, celle d'un étrange escargot de la mort (et peut-être aussi totalement maléfique). Un écorché fait souvent son apparition. Puis nous revenons dans un décor plutôt minéral, une forêt, des ruines, un nid avec des œufs de je ne sais trop quelle espèce. Le motif récurrent de la soirée sera la présence de pierres en chute libre. La patte graphique arbitraire des artistes. On n'aura pas d'explications là-dessus, mais au moins elles auront le mérite de nous interroger. Un prétexte pour rendre l'animation des dessins plus vive et captivante. La patte des artistes colle tout à fait à l'entreprise. En dehors de la colorisation des cartes du tarot, les animations quant à elles seront uniquement en noir et blanc, un choix graphique qui s'accorde tout à fait avec le genre acoustique.

Je ne suis pas une grande fan de metalcore, mais force est de constater que cette première partie fut une bonne entame pour la soirée. 





Entracte acoustique : Verset Zero alias DJ Darky

Un gugus monte rapidement sur scène après la prestation de la première partie. Il pose sa table de mixage totalement black metal, avec une nappe noire des croix à l'envers, une coupe bonne à récolter du sang de jeune vierge, un jeune grimé de corpse paint et arborant une capuche commence alors son office acoustique. Et quelle office ! Nous percevons ce qui semble être un véritable calvaire pour nos pauvres tympans. Un bruit de sirène suraigu un brin saturé envahit alors la salle. Et si la musique carrément inaudible était aujourd'hui représentative du black metal ? Et si le calvaire c'était bien ça la finalité du truc ? On se demande ce qui se passe, si cette entracte va durer un moment, ce que nous avons fait pour mériter ça, pourquoi nous avons pas de bouchons pour annihiler totalement ce bruit insupportable. Le mec, lui, a l'air content de son quart d'heure de gloire acoustique, il semble être le seul à apprécier ce qu'il créé. Nous ne connaissions pas son pseudo, on l'a nommé DJ Darky, avant de comprendre plus tard qu'il s'appelait en réalité Verset Zero, il est représenté par Førtifem par la figure du Chariot. Faut reconnaitre qu'avec son attitude clairement je m'en foutiste, il était plus black metal qu'aucun groupe de la scène metal actuelle. Il brandissait joyeusement sa coupe de temps à autre, avec son air sérieux de minot tout juste sorti de sa chambre pour nous faire baver et saigner les oreilles.

Je n'ai pas aimé, mais il me semble que c'était le but. La fin de ce set évoquait en moi un sentiment de libération et de soulagement comme jamais je n'ai connu auparavant. 



Acte II : Le Diable - Regarde Les Hommes Tomber VS Hangman's Chair

Olala, Satan tout puissant, on est vraiment à fond dans le black metal là. C'était le moment de la soirée que j'attendais le plus. Petite piqûre de rappel ici concernant les gus de RLHT. Depuis Exile, rien de nouveau, mais ils tournent et tournent. Et leur présence ce soir-là se justifiait surtout par le fait qu'ils sont en étroite collaboration avec Førtifem depuis leurs débuts. On ne sera donc pas étonnés de voir la carte de la Tour représentant le groupe, car c'est déjà une image qu'on associe au groupe via les illustrations. En plus ils y a des Hommes qui tombent alors c'est normal.

Quant à Hangman's Chair, le pendu semble également totalement coller à l'imaginaire du groupe. Ici pas de black metal, alors que pourtant avec le Diable on aurait pu s'y attendre, mais du stoner du sludge et du doom. C'est un groupe en reconnaissance constante, qui gagne en galons et en popularité, notamment depuis la sortie de leur dernier album Banlieue Triste en 2018 et avant cela de leurs passages au Hellfest, Roadbrun Festival ou le Desertfest belge. Bref, qui dit mieux ? J'aurais bien voulu les voir en première partie de Zeal & Ardor l'an dernier mais je n'ai pas pu et j'en étais fort déçue. L'occasion de rattraper cela à ce curieux festival redbullien.

La mise en scène et les illustrations annoncent quelque chose de beau et grandiose, déjà surtout par le fait qu'on n'ait pas un projet solo qui vient accompagner un groupe mais deux groupes qui décident de mélanger acoustiquement leurs deux univers pour un split de la mort aux élans démoniaques sur la scène du Trianon. Visuellement, on sent que ça ne va pas être gentillet, parce qu'on voit deux batteries, deux guitares, deux... bref, il y a déjà un jeu de lumières qui permet de mettre en valeur tous les protagonistes des deux groupes, et ça c'est beau.

La performance des deux groupes fera un jeu de dialogues entre les différents protagonistes, alternant chant d'un des groupes face à l'autre, tantôt séparément, tantôt ensemble, et de même pour tous les instruments. Leur setlist sera composée de trois premiers titres de RLHT et d'ensuite trois titres d'Hangman's Chair. Chaque groupe prenant place d'un côté de la scène, à gauche pour Hangman's Chair et à droite pour RLHT. Musicalement et graphiquement, ça dépote grave. Parce que l'on sent que les groupes et les artistes se sont clairement investis et imprégnés des univers de chacun. Moralité, le mélange black/stoner passe super bien, le guttural écorché au chant clair épique se marient avec une étrange confusion, de ce fait, on ne sait plus trop qui reprend qui tant leur harmonie est palpable. Pourtant, le parti était clairement risqué, autant d'instruments sur scène aurait pu provoquer une bouillie acoustique innommable, digne d'un DJ Darky, mais non. Leur savante potion était agrémentée d'illustrations qui fleurait bon le mal et satan, à l'image d'une soupe aux champignons sataniques, de squelettes, de pendus et autres instruments de torture. La maison du démon était également mise en avant, un intérieur trop luxueux pour être vrai. Quant au Diable, parlons-en, nous pouvions apercevoir la main de la bête immonde, tenant une épée et arborant une couronne. Et cette vision perpetuelle de ces Hommes qui ne cessent de tomber encore et encore.

C'était clairement le split le plus abouti et le plus réussi de la soirée. J'en suis restée ébahie et éblouie.

Setlist :

01 - L'Exil
02 - A Sheep Among the Wolves
03 - Banlieue Triste
04 - Naive
05 - Can't Talk
06 - (Inconnu au bataillon)


Entracte acoustique : Verset Zero le retour 

Notre DJ Darky fait preuve d'un peu d'empathie, ses sons d'alarme à incendie sont maintenant agrémentés de sample de vieux black metal au son cracra comme on aime. Des vieux riffs sortis d'une époque oubliée et des airs de synthé qui te rappellent qu'autrefois, c'était donc ça qu'on appelait le trve black metal.

Par contre ça restait franchement inaudible, mais on saluera l'effort du bonhomme qui contre toute attente, n'a pas rogné ses principes pour le plaisir de l'auditoire, sa petite dédicace aura eu un effet notable, comme quoi on peut faire de la musique insupportable et connaitre ses classiques.


Acte III : La Roue de la Fortune : Alcest VS Perturbator 

J'aime décrire Alcest comme étant du black metal gentil, car c'est quand même beaucoup le cas. Surfant sur la vague post-black, shoegaz et autres joyeusetés, il est incarné par la figure de ce même gus au pseudonyme aussi gentillet que le nom de son groupe "Neige". Il a également officié en tant que batteur dans d'autres projets de metal français et entre autres, celui de cette musicienne officiant aussi dans le même genre, Sylvaine (que j'aime beaucoup). Ce choix de l'inviter étant justifié par le fait que lui aussi collabore depuis peu avec Fortifem, mais aussi parce qu'il a un auditoire assez conséquent qui justifie la dernière partie de la soirée. Kodama étant l'album le plus connu et plus apprécié des critiques. On n'en dira pas plus. J'ai eu l'occasion de le voir pour la sortie de cet album à la Maroquinerie, mais le son était tellement mauvais que je n'ai pas pu entendre le son de sa voix frêle et fragile de metalleux sensible.

Quant à Perturbator, c'est un jeune parisien qui carbure dans le dark, synthwave machin chose depuis en gros 2012 après avoir officié en tant que guitaristes de plusieurs groupes de black metal. Mais sa grande passion ça reste le synthétiseur, et c'est avec cet instrument qu'on appréciera la collaboration du bonhomme avec Alcest.

Alcest est représenté par la carte de l'étoile, et Perturbator de Bateleur. Les deux musiciens s'accordent sur un univers nettement moins sombre, plus onirique et cosmique en lien avec leur musique qui est nettement moins brutale que ce qu'on nous proposait précédemment. Il faut reconnaitre que les images sont belles et que le duo musical pond une musique qui dans un premier temps ressemble un brin à du Depeche Mode (arrête de voir du Depeche Mode partout sous prétexte qu'il y a un synthé me dit-on). Leur musique planante et enivrante, dans un décor nous plongeant dans une sorte de vieille bâtisse, nous voyons un paon, un ciel étoilé où se dessinent différents signes astrologiques : le bellier, capricorne, scorpion, la cruche (ah non, c'est le Verseau !). Une ambiance nettement plus posée qui nous berce pendant le restant de la soirée. Les chants hauts perchés et gutturaux gentils contrastent assez brutalement avec l'autre set mais soit. Le public est conquis. La performance est chaleureusement acclamée par la foule. On se risquerait presque à réclamer un rappel, que l'on aura pas.



La dernière carte du jeu de tarot apparait, celle de l'Amoureux qui n'est autre que le duo d'illustrateurs de Fortifem. Ils sont eux aussi acclamés comme ils se doivent. La soirée s'arrête là-dessus.

Moralité, nous avons passé une bonne soirée, le concept était intéressant et bien mis en valeur, autant visuellement qu'acoustiquement. La variété des styles et le choix de sets volontairement court s'est avéré judicieux, pas de lasstitude pour les auditeurs plutôt fan d'un style plutôt qu'un autre. Le principe étant de présenter un panel musical plus qu'un groupe et sur ce point, on peut reconnaître que c'était clairement réussi. Seul regret, et bien d'autres me le diront, pourquoi Fortifem n'a pas proposé de jeu de tarot physique à l’effigie de la soirée ? Il semblerait que les illustrateurs avaient davantage la volonté de promouvoir leur univers plus que de vendre du produit. Certes, c'est louable, mais un peu dommage quand on connaît la passion pour les metalleux d'accumuler de beaux objets (moi y compris). On s'en contentera.

 

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